Quelques mots pour Felicity Ryder, anarchiste en cavale, et quelques réflexions autour de la clandestinité

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“Je suis fière d’être anarchiste, d’être ennemie du Pouvoir, de l’autorité et de l’État” Felicity Ann Ryder

Cela fait presque deux ans que nous avons diffusé un texte en solidarité avec le compagnon anti-autoritaire Diego Ríos, clandestin depuis 2009 ( pour l’ordre d’arrestation émis contre lui à la suite d’une dénonciation de sa mère qui avait trouvé du matériel pour fabriquer des explosifs). À cette occasion nous avions partagé quelques réflexions sur les particularités de la clandestinité de compas anti-autoritaires et anarchistes.
Un effort similaire avait été fait par des compas il y a trois ans lorsqu’ils avaient écrit et édité le livre “Al Acecho” ( À l’affût), au sujet de l’affaire de Diego Ríos, qui pour nous est le premier texte fait au Chili qui aborde la thématique de la clandestinité depuis une perspective anti-autoritaire et à partir d’un cas concret. D’autres textes, comme le livre “Incognito” et les communiqués de la compagnonne Gabriela Curilem avaient aussi abordé des expériences de clandestinité de compas anarchistes/anti-autoritaires, une thématique qui semble être peut discutée dans ce coin là.

C’est ainsi que nous avions déjà partagé l’idée que saluer les compagnons en cavale c’est saluer leur décision de lutte, leur choix de s’évader de la prison, qui est aussi une action contre les tentatives du pouvoir d’enfermer ceux qui le combattent.
Aujourd’hui nous voulons saluer en particulier la compagnonne en cavale Felicity Ann Ryder, dans le cadre de l’appel réalisé par des compas anonymes à deux semaines de solidarité avec elle, du 21 février au 7 mars. Nous voulons saluer la compagnonne et lancer en l’air quelques idées sur la clandestinité pour enrichir notre praxis anti-autoritaire, qui sont fruits d’apprentissages individuels et collectifs dans l’aiguisage de nos positions dans le scénario permanent de la guerre sociale.

Que l’oublie et le silence ne dévorent pas nos compagnon-ne-s …

Ce qui est sûr c’est que trop de fois les compagnon-ne-s sont seuls et se prennent des portes qui claquent dans la gueule, souvent les compagnon-ne-s n’ont pas de quoi manger, errent sans avoir où dormir et doivent affronter dans la plus complète solitude les démons à gages. Souvent les frères/sœurs n’ont personne à qui parler, ni d’ habits pour se changer ou quelqu’un avec qui discuter des tactiques, souvent ils sont diffamé-e-s sans la possibilité de se défendre et le silence se brise seulement avec l’écho de l’infamie. Et cela arrive parce qu’au lieu de retrousser ses manches, de gérer, créer et unir des volontés, certains préfèrent se retirer cyniquement, s’annuler dans la peur. Dans la mesure où on ne comprend pas le rôle que joue chacun-e et l’importance vitale des gestes concrets, l’oublie continuera de dévorer des compagnon-ne-s séquestré-e-s, blessé-e-s, ou en cavale.

(La Graine Noire de Nos Convictions. Des mots de la compagnonne Gabriela depuis la clandestinité, août 2011)

[…] ceci n’est pas une plainte ni une énumération de douleurs, c’est écrit dans le but de contribuer à la discussion et à l’échange d’expériences, pour que l’on voit l’arrière-boutique d’un thème qui parait avoir peu de réflexion […]. La revendication d’après moi ne porte pas sur la clandestinité ( qui peut se finir à n’importe quel moment), mais sur la décision de lutte permanente, jusqu’à la fin. Arrive ce qui arrive, même si la vie doit partir avec cela.

(Dépliant les Ailes. Réflexions depuis la clandestinité par la compagnonne Gabriela Curilem. Novembre 2010).

Actuellement dans le territoire appelé Chili nous disposons de quelques expériences de compagnon-ne-s qui se sont déclarés dans la clandestinité et ont décrit ce choix comme une décision contre la persécution des puissants. C’est le cas du compagnon anti-autoritaire Diego Ríos, du compagnon Hans Niemeyer, de la compagnonne Gabriela Curilem (qui est sortie de la clandestinité en 2012), des compagnons Juan Aliste et du compagnon Marcelo Villarroel (actuellement emprisonnés, accusés de l’attaque d’une banque qui s’est soldée par la mort d’un flic). En plus de cela, les appareils répressifs des puissants n’ont pas pu trouver ni emprisonner le compagnon anonyme du Punk Mauri (mort dans une action en 2009), ni la personne qui accompagnait Tortuga (aujourd’hui en liberté sous condition) après son accident lors de l’explosion de la bombe qu’il posait sur une banque en 2011.

De notre part, lorsqu’avec d’autres compagnon-ne-s nous avons réfléchi sur la clandestinité de compas anti-autoritaires nous avons centré nos analyses sur les différences qui existent avec la forme traditionnelle de clandestinité des organisations révolutionnaires hiérarchiques et centralisées, et dans la nécessité de posséder des moyens propres/autonomes dans la lutte multiforme contre le pouvoir.

Aujourd’hui nous voulons mettre en débat d’autres nécessités importantes et des défis à l’heure d’affronter la clandestinité de quelque compagnon-ne, que nous le/la connaissions ou pas, que nous ayons ou pas des contacts directs avec ceux/celles qui les aident plus ou moins directement, car c’est secondaire lorsque le lien est le compagnerisme forgé par la décision de lutter contre l’autorité …

C’est important de comprendre et de saluer la clandestinité d’un-e compagnon-ne comme une décision personnelle de lutte, mais de ne pas l’idéaliser comme une forme supérieure de l’affrontement, surtout lorsque la décision a pour origine la persécution de compagnon-ne-s spécifiques sur qui l’ennemi a émis des ordres de détention, de recherche et de capture, etc …

Une autre chose importante c’est de considérer que l’ennemi a l’habitude de publier la photo de nos compagnon-ne-s clandestin-e-s dans ses moyens de communication pour que  les citoyens collaborent à leur capture, et c’est donc une responsabilité et un acte de solidarité de notre part de retirer des pages d’information anarchistes -ou autre type de propagande- toute photo de compas qui sont rentrés en clandestinité, pour faire obstacle, même si c’est pas grand chose, à la chasse que mène l’ennemi. Nous le soulignons car lorsque le compagnon Hans Niemeyer est rentré dans la clandestinité il y a quelques mois, certains blogs informatifs du milieu anti-autoritaire et d’autres compagnon-ne-s solidaires ont continué de mettre sa photo dans les nouvelles sur le compagnon ou en en forme de propagande solidaire avec sa situation.

C’est aussi important d’avoir conscience que même si chaque jour qui passe sans que nos sœurs/frères en cavale ne soient capturés ridiculise l’ennemi et est un acte de propagande anti-autoritaire contre toute sa machinerie répressive, dans chacun de ces jours il se peut aussi que nos compas aient mille nécessités, comme celle de ne pas se sentir seul-e après avoir été séparé-e-s de personnes/animaux proches et aimé-e-s ou de certains projets et compagnon-ne-s. C’est pour cela que c’est très important que chacun dans ses propres possibilités contribue à ne pas couper les liens communicatifs avec les compagnon-ne-s en cavale et que nous les rendions présents dans l’échange d’expérience sur la scène globale de la guerre sociale. Avec des salutations à travers la propagande et des actions, ou répondant à leurs communiqués envoyés depuis la clandestinité nous pourrions contribuer énormément à ce que le moral de nos frères/sœurs ne baisse pas malgré les obstacles. C’est comme ça que nous pouvons participer à générer des voies de communication et des réflexions plutôt que de les nier ou les couper, isolant ainsi encore plus les compagnon-ne-s clandestin-e-s/

Felicity Ryder, que le vent efface tes traces et te protège des chasseurs.

Dans ces moments difficiles c’est très important pour moi d’avoir des gens proches ou éloignés qui sont solidaires, même sans me connaître. (…) Vive l’anarchie !
(Lettre de la compagnonne Felicity Ryder depuis un endroit hors des cages, juillet 2012).

Felicity a décidé de rentrer dans la clandestinité après l’arrestation du compagnon Mario Lopez, qui en juin 2012 a été arrêté après avoir été blessé en portant un engin incendiaire qui a pris feu, à ce moment là il portait sur lui des documents d’identité de Felicity. Le compagnon Mario a assumé la responsabilité de l’action en indiquant que la compagnonne était juste là au moment où l’engin a explosé et qu’il considère que c’est une erreur d’avoir eu sur lui ses documents d’identité. Dans les premiers jours, la police et la presse du pouvoir ont essayé d’inventer que Felicity était arrêtée, mais quelques mois plus tard la compagnonne a démenti cette version et a reconnu son passage dans la clandestinité face à la persécution répressive qui a commencé contre elle.
La presse du pouvoir a aussi raconté que Felicity avait été au Chili, ce qui a servi à alimenter encore plus le délire des autorités mexicaines sur une soi-disant organisation anarco-insurrectionnaliste gravitant autour du blog Liberación Total, avec comme base le Chili et le Mexique. Du pur délire.

L’expérience de Felicity a des similitudes avec des cas de compas qui ont réalisé des actions avec des compagnon-ne-s qui ont fini morts, blessés ou arrêtés, comme le cas de la personne anonyme qui accompagnait Mauricio Morales, le cas aussi de la personne anonyme qui accompagnait Tortuga, et comme le cas du compagnon Mike, de France, qui a été gravement blessé alors qu’il manipulait un engin explosif avec sa compagnonne Zoé. Sur ce dernier cas il y a eu beaucoup de silence de la part de ses proches, mais le compagnon a récemment diffusé une lettre parlant de sa situation et appelant à la solidarité. Courage et solidarité avec Mike !

Quant à elle, Felicity a écrit des communiqués, le dernier pour saluer le compagnon Mario López après sa sortie de prison en décembre 2012. Ainsi nous arrivons au thème des 2 semaines de solidarité avec la compagnonne qui a eu lieu du 21 au 7 mars, dans laquelle nous avons voulu participer à cet appel en creusant quelques idées sur la clandestinité de compas anti-autoritaires et en invitant tous les compas à débattre sur le thème, à réfléchir sur quoi faire dans de telles circonstances et à connaître et partager les expériences qui peuvent se diffuser. Et dans ce débat, chère compagnonne Felicity, toi aussi tu as beaucoup à nous apporter. Nous espérons que tu vas bien et que tu continues d’écrire à ceux qui se considèrent comme tes compagnon-ne-s dans la lutte contre toute autorité.

Salut aux compas du squat Isla Tortuga qui ont organisé un repas anticarcéral dans le cadre des 2 semaines de solidarité avec Felicity Ryder, nous leur envoyons toute notre estime pour maintenir vive la flamme de solidarité et espérons que ces initiatives se multiplient.

Avec le souvenir vif du compagnon anarchiste grec Lambros Foundas, mort en action en mars 2010.
Avec Punky Mauri présent dans chaque mot et action d’offensive anti-autoritaire.
À la veille d’un nouveau 29 mars, jour du jeune combattant.

Guerre sociale, anarchie et rébellion contre toute autorité !

Sin Banderas Ni Fronteras, noyau anti-autoritaire d’agitation et de propagande écrite. Mars 2013.

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