France : Une lettre de Damien Camélio depuis la prison

Note de Contra Info : nous traduisons et publions ici (à la demande de Damien) cette lettre personnelle originalement écrite en castillan. Ce n’est donc pas lui qui écrit ces mots en français.

11-10-14

Salut, compa.

Je t’écris pour te dire que je crois qu’ils ont arrêté d’enquêter sur moi et sur mes (supposés) contacts. Je le sais parce qu’ils me rendent les manuscrits qui m’avaient été confisqués par la police.

A mon avis, ça veut dire que l’enquête est finie pour moi et qu’ils ne peuvent pas faire de nouveau procès.
C’est donc plutôt une bonne nouvelle.

J’aimerais en savoir plus sur la situation judiciaire de Xavi, parce que son nom ressort dans tous les interrogatoires. Le nom d’autres compagnon-ne-s aussi, mais ceux-là je ne les connais seulement parce que j’ai entendu parler d’eux.

En parlant de Xavi, je me suis énervé mais je crois que je n’ai pas été juste. Je veux m’excuser pour ça. Rien n’est de sa faute. C’est la faute de la répression, et rien de plus. Ce serait ça faute seulement s’il avait été une balance. Et ce n’est pas le cas. Il ne balance pas, ni sur moi ni sur personne. En plus, je sais que c’est très compliqué d’être en fuite comme ça.
Je ne sais pas quels soutiens peut avoir Xavi. Sa situation doit être difficile. En prison à Rome (il ne parle pas italien), et en plus je sais qu’il est en isolement. A mon avis, il lui faut du soutien depuis l’Espagne. Et l’Espagne demande son extradition. Je ne sais pas s’il a d’autres affaires en Italie ou seulement celle d’Espagne. Je lui ai écrit une lettre et j’attends sa réponse. Mais bon, c’est possible que la correspondance avec moi soit bloquée. Peut-être aussi qu’il ne veut pas me répondre, parce que c’est vrai que j’ai été injuste et très dur. Mais je suis comme ça. Je suis dur et j’ai un caractère très impulsif. C’est un défaut, mais c’est aussi une qualité en cas d’affrontements… haha.

Ce caractère, je crois que je l’ai à cause de ma vie. A 13 ans, j’étais déjà dans la rue, jeté dehors par mes parents. A 17 ans, j’étais déjà en prison. Après, j’ai fait beaucoup de voyages dans toute l’Europe, et beaucoup de temps en clandestinité sans jamais quitter la lutte. J’ai vécu des situations de quasi-guerre civile. Comme une fois à Prague (en Tchéquie) où j’ai vu pour la première fois un compagnon mourir pendant une attaque contre la police. C’est aussi pendant cette émeute là que j’ai vu la lâcheté de mes compagnon-ne-s français-es qui ont fui pendant que moi (le seul français en première ligne), je luttais avec nos frères et sœurs tchèques pour essayer de sauver la vie du compagnon bloqué dans une voiture dans laquelle la police était en train de le tuer.
C’est juste un exemple, mais j’aurais d’autres exemples pour pouvoir expliquer mon attitude et mes mots très durs à l’encontre des miens. J’ai vu le résultat de la lâcheté. Je l’ai vécu.

En parlant de morts, dans ma prison il y a eu un nouveau mort hier. Ça fait 76 morts. 1 mort par moi au minimum. Cette prison est la prison dans laquelle il y a le plus de morts/détenus de toute la France. Mais comme c’est aussi la seule prison de laquelle personne ne s’est évadé, cette prison est reconnue en tant que prison modèle par l’État français. Le gouvernement l’appelle « la fierté de la France »…
Ici, dans le module d’isolement (12 prisonniers), il y a une tentative de suicide par semaine. C’est pour ça qu’au moment de ma tentative d’évasion, mon avocate m’a dit : « Ici, les seuls qui s’échappent sont les morts ».

Je ne veux faire aucune putain de concession à cette bande de tueurs fascistes ni pour ma liberté. C’est pour ça que je suis constamment en conflit avec l’AP, qui me fait subir depuis longtemps la plus grande répression possible.
Ils font tout ce qu’ils peuvent tous les jours pour essayer de me faire plier et moi je fais tout ce que je peux pour résister et les attaquer. La lutte se transforme en guerre quand il y a des morts.

Compagnon, je te le dis, on est en guerre !
Et ne pas le voir et ne pas ouvrir les yeux sur cette situation n’est pas du pacifisme, c’est de la soumission et de la lâcheté.
Ce n’est pas l’action directe qui doit se justifier. Au contraire, c’est à ceux qui la dénoncent de justifier leur trahison.
Tu sais qu’en France, le 1er mai à Paris, une compagnonne de la CNT Paris a dit, pendant que nous les insurrectionnalistes luttions contre la police, que « les policiers sont des travailleurs comme les autres » ?
Oui compagnon. Vérité.
Elle l’a dit au micro. Elle nous ordonnait de laisser « leur lutte ». Pas NOTRE LUTTE, leur lutte !!!
Ce genre de compagnon-ne-s disent que je suis un terroriste, comme l’État, mais moi, je les appelle des traîtres. Des putains de traîtres.

Et en vérité, c’est à cause de ce genre de discours que je cherchais des alliés chez ETA et dans le FLNC (la branche de gauche révolutionnaire du FLNC depuis longtemps, je n’ai rien à voir avec les autres).
C’était une erreur. Je le sais. Je l’ai fait pour essayer de briser l’État (les États). Mais si c’est pour refaire un autre État, c’est une belle connerie. Des alliances comme ça ne pourront se faire que si nous avions une puissance égale. Et donc nous, les Anarchistes, nous pourrions avoir une influence. Mais tant que la lutte armée (et je ne parle d’aucune avant-garde, seulement de moyens de lutte armée sans aucune médiation) est aussi mal vue qu’elle l’est actuellement, parler de révolution sera complètement inconcevable.

Ici, comme que je suis dans le module de haute sécurité, j’ai plusieurs compagnons qui font des braquages de fourgons bancaires.
En vérité, et c’est la réalité, ils comprennent très bien les idées libertaires. Et quand je parle, beaucoup sont d’accord avec ce que je dis. Là, on parle d’expropriations directes et d’attaques de prison pour libérer les nôtres. Tu sais ce que me dit mon compagnon du grand banditisme français ? Il me dit : nous les bandits, nous le sommes parce que nous aimons la liberté. Et par fierté. Nous ne mendions rien à l’État ni à personne. On ne vend nos culs à personne. Le droit de vivre, on le prend, on ne le mendie pas. Et comme on a besoin d’argent pour vivre, on attaque les banques. Et c’est 1000 fois plus digne d’attaquer des fourgons pour prendre le droit de vivre que de mendier ces aides sociales à l’État. Et quand l’un des nôtres se retrouve dans une putain de prison pour ces attaques, on ne fait aucune concession.
On va le chercher, avec les moyens nécessaires. Et peu importent les conséquences possibles. C’est la mort ou la liberté. Rien de plus, et rien de moins.

Qu’est-ce que tu dis de ces mot ?
Pour moi, ce sont des mots de lutte. Pas des mots de théorie. Hahaha.
Des mots de lutte qui viennent de combattants expérimentés de la guerre sociale.
Parce que que ça soit de façon consciente ou pas, ils la font, la guerre sociale, les bandits.
Et pour les mêmes raisons que nous on fait des théories
Ils et elles font la guerres sociale quand la plus grande partie des nôtres parlent de guerre sociale, mais la soutiennent et rien de plus.
Beaucoup me traitent de fou. Peut-être que c’est vrai. Je m’en fous, et ça ne me changera pas.

Mais j’ai une question :
En cas de barricades : qui préférez-vous avoir à vos côtés ?
Un fou qui lutte et qui combat comme moi ou la traîtresse ?

Je ne sais pas utiliser les micros, ni faire de grandes théories. Mais je comprends les théories, et c’est parce que je les comprends que je suis Anarchiste et que je le serai jusqu’à ma mort.
Ce que je sais utiliser, ce sont les armes.
Je suis un révolutionnaire.
Et il ne s’agit en aucune façon d’une contre-culture.

On peut parler de « contexte social » toute la vie en vivant des aides sociales de l’État.
Ou l’on peut agir et attaquer ici et maintenant, là où nous sommes et comme nous le pouvons.

Il n’y a pas d’autre option.
La lutte ou la soumission
DÉCIDONS MAINTENANT !

Salut et Anarchie
Damien

Pour lui écrire :
Damien CAMELIO
N° 5057 CP MONT DE MARSAN
Chemin de Pemegnan BP 90629
40006 MONT DE MARSAN CEDEX
FRANCE

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